sommaire LA DEONTOLOGIE DE LAVOCAT DANS LES MEDIAS
Quelle attitude lavocat doit il adopter lorsque lon se propose de parler nominativement de lui ou de son cabinet dans les médias?
Analyse et propositions faites par Guillaume le Foyer de Costil au Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau de PARIS1997
Cette réflexion a été induite par de très nombreuses réclamations de nos confrères; les uns se plaignant de ne voir publier dans la presse ou dans les médias en général que le nom et les caractéristiques des autres, les seconds demandant plus de communication, personnelle et institutionnelle.
En présence de ces réclamations contradictoires lOrdre se doit de prendre position, sa mission régulatrice est ici naturellement sollicitée.
Après un constat (1) de la situation sur le terrain, du fait et du droit, et pour résoudre cette « crise » de la communication, on proposera des solutions essentiellement pratiques(2).
1. Le Constat
1.2 Le Droit positif
Larticle 5.3 de notre Règlement Intérieur dispose:
« 5.3.1...lavocat sexprime librement dans les domaines de son choix et suivant les moyens quil estime appropriés.
Il doit en toutes circonstances faire preuve de délicatesse, particulièrement lorsque sa qualité davocat est connue, et sinterdire toute recherche de publicité contraire aux dispositions de larticle 161 du Décret.
5.3.2 Si lavocat fait des déclarations concernant des affaires en cours ou des questions générales en rapport avec lactivité professionnelle, il doit indiquer à quel titre il sexprime et faire preuve dune vigilance particulière.
Ces interventions publiques ne peuvent avoir quun caractère exceptionnel.
Lavocat en informe le Bâtonnier.... ».
Ces dispositions contrastent singulièrement avec les règles antérieures de lOrdre, qui, jusquen 1994 imposaient à lavocat dobtenir lautorisation du Bâtonnier avant toute intervention publique.
La modification ainsi constatée de nos règles se proposait, à lépoque, de prendre en compte lévolution des moeurs, et plus encore celle de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg relative à la liberté dexpression applicant larticle 10 de la C.E.D.H(.....); cest dans le même esprit et sur le même fondement de droit que furent établies les règles de larticle 5.4 relatives à la publicité de lavocat, et qui admettent celle-ci dès lors quelle est « destinée à procurer au public une nécessaire information »..
1.2 Les Faits
Dans la pratique, on constate que les avocats apparaissent publiquement en tant que tels dans deux domaines principaux:
dans la presse et les médias « grand public », à propos des procédures pénales dont ils sont chargés;
dans les médias économiques, à propos de lévolution des cabinets davocats de ce secteur.
Sagissant de la procédure pénale, et parce que le secret de linstruction nest plus respecté, il apparait important que la défense puisse continuer de sexercer; mais la conséquence de cette situation est que le grand public ne voit apparaître lavocat pénaliste ou non, que dans son rôle de défenseur pénal; ce qui donne de la profession une image très incomplète.
Sagissant de la presse économique, sa lecture reste confidentielle, mais elle informe enfin le public sur lexistence dautres « métiers » de notre profession.
Dans les deux cas lon constate que laccès au médias reste la plupart du temps, pour lavocat, le résultat dune démarche volontaire et généralement illégale:
en matière pénale, sauf les affaires ayant un très grand retentissement, lavocat est contraint, pour la défense de son client, et parfois avec son aide, de solliciter les médias pour être entendu; généralement il viole alors le secret de linstruction
en matière économique, sauf les publications spécialisées dans la vie du Barreau, il est nécessaire, directement ou indirectement, de solliciter le support; et la révélation dune activité induit généralement celle dun client, apparemment faite par le journaliste, mais en pratique donnée par lavocat, qui viole le secret professionnel..
Enfin le Règlement Intérieur est généralement enfreint car:
les interventions publiques étant généralement le fait des mêmes confrères, le caractère non-exceptionnel de leurs apparitions constitue une violation de larticle 5.3.2.
le Bâtonnier nest généralement informé de lintervention de lavocat que par la lecture ou laudition du support médiatique, ce qui est une violation du même texte.
Le support médiatique ayant été sollicité par lavocat pour sa promotion personnelle, mais se présentant sous la forme dun travail journalistique, on est en réalité en présence dune publicité rédactionnelle que lOrdre na pas le pouvoir de contrôler
Tous ces éléments provoquent inévitablement lirritation croissante du plus grand nombre de nos confrères, qui restent discrets, par nécessité ou par devoir. LOrdre doit donc intervenir visiblement.
Par ailleurs limage de la profession dans le public est complètement tronquée, au point quil est aujourdhui nécessaire de renoncer partiellement au titre davocat au profit de celui de conseil en...pour permettre à certains de nos confrères lexercice de leur « métier ».
2. Les Suggestions
J'estime que louverture de la profession par le biais des médias ne doit pas être freinée (2.1); cependant un fort mouvement de communication institutionnel (2.2) conjugué à une information raisonnable des confrères sur leurs droits en matière publicitaire(2.3), est certainement de nature à calmer leur irritation; ce qui doit conduire, pour éviter un affaiblissement de lautorité de lOrdre, à la suppression des dispositions non-appliquées de notre Règlement(2.4).
2.1 Leffort individuel de communication doit se poursuivre
Cest une évidence. Les travaux actuels de lOrdre en sont le témoignage; mais comme la communication institutionnelle laissera toujours de côté bon nombre de types dexercice et quelle ne peut faire la promotion des efforts de tel ou tel, pionnier dans sa branche, il est indispensable de laisser les avocats communiquer comme ils le jugent utile, pourvu quils respectent le Principe Essentiel de dignité.
Les deux communications, institutionnelle et individuelle, sont étroitement complémentaires.
2.2 Leffort collectif aussi
La rancoeur de nos confrères, qui nest souvent que lexpression de la jalousie de ceux qui « savent communiquer », trouverait moins à sexprimer si lOrdre communiquait pour eux. Les projets en cours vont dans la bonne direction, pourvu que lon arrive à bien faire connaître tous les « métiers » du barreau.
En effet, ce mécontentement est aussi celui de voir « toujours les mêmes », parler inlassablement du procès pénal avec romantisme et théâtralité, tandis que sont chaque fois réduits à néant les efforts de ceux qui promeuvent lavocat-conseil de la vie économique, ce quest lessentiel du Barreau.
Spécialement, le Conseil devrait veiller à ne pas réagir aux seuls événements judiciaires, en délégant « toujours les mêmes » à la télévision ou à la radio, mais penser à se manifester sur des événements économiques, étrangers à son ancienne culture, mais tout autant riches de droit. (Une fusion de banques, un contrat international célèbre ou de nouvelles mesures fiscales)
2.3 Il faut rappeler que la publicité est permise aux avocats
Lorsque j'étais chargé de cette délégation l'expérience m'a montré que, du fait de leur nouveauté, les règles de larticle 5.4, pourtant tirées de la Loi, étaient souvent inconnues des membres du Barreau de PARIS. (Peut-être par réprobation).
Beaucoup de plaintes qui confondent publicité permise et démarchage interdit, communication avec la presse et sollicitation de clientèle, eussent été justifiées avant 1991, mais ne le sont plus aujourdhui; le Barreau, même moderne, ne les a pas assimilées; peut-être est-ce parce que, prudemment, lOrdre a préféré bâtir au préalable une jurisprudence dapplication.
Il est temps, maintenant, de dire plus clairement à nos confrères quils peuvent faire de la publicité; si dautres communiquent par les médias rien ne les empêche dorénavant de se faire connaître par dautres moyens actifs, et ce même si certains autres Règlements nont pas encore transposé linnovation législative. Il faut même inciter nos confrères à sen servir, à peine de voir le « marché du droit » conquis par dautres professionnels.
2.4 Il faut aménager les dispositions de larticle 5.3
Des dispositions non respectées et non sanctionnées sont de nature à affaiblir lautorité de lOrdre et à irriter inutilement ceux qui les respectent; or, comme on la vu, les dispositions du Règlement relatives à la communication comprennent des obligations désuètes.
Lobligation de ne communiquer quexceptionnellement est dépassée; lon doit pouvoir communiquer lorsquon le désire et lorsque cest nécessaire; et lOrdre na aucun moyen dapprécier labus dans ce domaine; limiter lexpression de lavocat nest possible qua posteriori et seulement sil transgresse les Principes Essentiels: dignité et délicatesse dans lexpression, probité dans lexactitude des propos, délicatesse et humanité dans leur contenu, indépendance dans les rapports avec le client, etc...
De même linformation du Bâtonnier de la communication que lon vient deffectuer na, semble-t-il, quasiment pas été faite depuis que le texte existe; leût-elle été que le pouvoir de contrôle de lOrdre serait souvent resté très limité, en labsence, généralement, du support magnétique permettant un contrôle utile de la forme de lexpression orale (à la radio ou à la télévision). Et il est redondant daffirmer que le Bâtonnier peut « faire toute observation, mise en garde ou injonction quil estime utiles »; ne pourrait-il le faire en dautres matières?
C'est pourquoi je propose au Conseil de l'Ordre dadopter les délibérations suivantes:
« Les trois derniers alinéas de larticle 5.3.2 du Règlement Intérieur sont abrogés. »
« Le Conseil veillera, tant par la communication institutionnelle de lOrdre, que par le contrôle de celle des membres du Barreau, à ce que limage de tous les « métiers », de la profession davocat soient valorisée et connue du public »
« Le Conseil rappellera aux membres du Barreau lexistence des dispositions de larticle 5.4 du Règlement intérieur relatives à la publicité comme la nécessité de les utiliser en vue du développement de leur activité et leur en fera régulièrement connaître les modalités dapplication »