communication faite lors du colloque international sur

le droit et les relations commerciales
entre la France et Taiwan

organisé à Paris le 9 avril 1999 par la SOCIÉTÉ DE LÉGISLATION COMPARÉE

La protection internationale de la Propriété Intellectuelle

par Guillaume le Foyer de Costil

avocat

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Le commerce international repose sur l’échange de valeurs ajoutées. S’il est un domaine aujourd’hui privilégié de ces échanges, c’est celui des biens immatériels. Mais les créations intellectuelles sont vulnérables. Il existe peu de barrières physiques susceptibles d’empêcher des individus mal intentionnés de dépouiller autrui dès lors qu’il ne s’agit que de reproduire illicitement une création.

C’est pourquoi les efforts des nations tendent, par la conclusion de traités internationaux à vocation mondiale, à faire disparaître le plus rapidement possible les lieux où il est légalement permis de voler l’œuvre d’autrui.

Les subdivisions classiques de la propriété intellectuelle, apparentes dans les traités d’origine, conduisent à rappeler qu’il existe dans ce domaine deux grandes branches, maintenant entremêlées, gouvernées par des principes généraux communs qui se sont imposés par leur efficacité économique et morale

il s’agit de la propriété industrielle et du droit d’auteur

Dès 1883, en vue de garantir à leurs ressortissants la possibilité d’obtenir à l’étranger une protection équivalente à celle de leur pays, onze états ont signé la Convention de Paris pour la protection de la Propriété Industrielle et institué l’Union Internationale pour la Protection de la Propriété Industrielle. Cette Convention a été révisée à plusieurs reprises.

La Convention de Paris prévoit que des arrangements particuliers concernant certains aspects spéciaux de la protection de la Propriété industrielle peuvent être conclus séparément entre certains états.

Onze arrangements particuliers ont été conclus sous l’égide de l’union de Paris et sont aujourd’hui en vigueur.

Les principes généraux dégagés par ces traités mettent en évidence des constantes:

Dans le domaine des inventions, la plupart des législations prévoient la délivrance de brevets protégeant pour un temps limité une idée nouvelle impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle.

On estime que le nombre de brevets délivrés annuellement dans le monde ces dernières années a été de l’ordre de 800.000 et que près de 4 millions de brevets sont en vigueur.

Dans le domaine des marques, c’est-à-dire les signes ou combinaisons de signes servant à distinguer les produits ou services, la plupart des législations prévoient que celles-ci doivent être enregistrées auprès de l’administration nationale ; l’usage non autorisé d’un signe semblable à la marque est aussi interdit s’il est de nature à provoquer une confusion ; enfin la protection de la marque n’est pas limitée dans le temps. On estime à plus d’un million le nombre d’enregistrements ou de renouvellements d’enregistrements opérés dans le monde chaque année.

Dans le domaine des modèles et dessins industriels, la plupart des législations admettent la protection de dessins et modèles originaux et nouveaux par l’enregistrement auprès d’une administration nationale pour une durée de dix à quinze ans, outre la protection de ces modèles comme œuvres d’art. On estime que le nombre d’enregistrements opérés chaque année est d’environ 250.000 et qu’un million et demi d’enregistrements de dessins ou modèles sont en vigueur.

Dès 1886, dix états instituèrent l’Union Internationale pour la Protection des Oeuvres Littéraires et Artistiques en signant la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Les membres de l’Union sont aujourd’hui douze fois plus nombreux et le Traité de l’O.M.P.I. sur le droit d’auteur, adopté à Genève le 20 décembre 1996 par la Conférence diplomatique sur certaines questions de droits d’auteur et de droits voisins, a marqué une étape décisive dans le processus d’actualisation de la Convention en consacrant la protection des œuvres littéraires et artistiques utilisées, créées et diffusées en ligne.

La reconnaissance du droit d’auteur entraîne qu’une certaine utilisation de l’œuvre n’est licite que si elle est autorisée par le titulaire du droit. La plupart des législations nationales reconnaissent les droits patrimoniaux constitués par le droit à rémunération, celui de reproduire, de faire des enregistrements sonores ou radiodiffuser l’œuvre. Certaines législations admettent l’existence de droits moraux en vertu desquels l’auteur peut revendiquer sa qualité et exiger que son nom soit mentionné sur les exemplaires de l’œuvre, et s’opposer à sa mutilation ou à sa déformation. La protection du droit d’auteur est limitée dans le temps. La plupart des pays ont adopté comme règle générale un délai qui commence à la création de l’œuvre et expire 50 ans ou 70 ans après la mort de l’auteur.

Les principes mis en place par la Convention de Berne pour la protection des œuvres sont les suivants :

Les œuvres ayant pour pays d’origine l’un des états contractants, c’est-à-dire dont l’auteur est ressortissant d’un tel Etat, ou qui ont été publiées pour la première fois dans un tel état, doivent pouvoir bénéficier dans chacun des autres états contractants de la même protection que celle qui est accordée par lui aux œuvres de ses propres nationaux ; c’est le principe du traitement national.

La protection doit n’être subordonnée à l’accomplissement d’aucune formalité c’est le principe de la protection automatique.

Cette protection doit être indépendante de l’existence d’une protection de l’œuvre dans son pays d’origine, sous réserve que sa protection n’ait pas cessé dans le pays d’origine à la suite de l’écoulement du délai légal localement.

Deux traités fondamentaux ont par ailleurs été adoptés à Genève le 20 décembre 1996 par la Conférence diplomatique sur certaines questions de droits d’auteurs et de droits voisins et marquent une étape décisive dans le processus d’actualisation de la Convention de Berne.

Le plus important des deux traités est celui relatif aux droits d’auteur, qui prévoit de nouvelles catégories d’œuvres protégeables : les logiciels et les bases de données.

Le Traité de l’OMPI attribue trois nouvelles prérogatives à l’auteur : les droits d’autoriser la distribution, la location et la communication au public, tous destinés à favoriser la circulation des œuvres, y compris de façon numérique, et surtout, prévoit dans les «déclarations communes» qu’il s’applique pleinement dans l’environnement numérique ; il rappelle en effet «que le stockage d’une œuvre protégée sous forme numérique sur un support électronique constitue une reproduction».

Il reste que l’action de renforcement de la protection des auteurs engagée par les traités internationaux se trouve limitée dans la mesure où le monopole de l’auteur est restreint dans des cas spéciaux où l’on considère qu’il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.

Il s’agit notamment du droit de reproduction justifié par les impératifs de l’information, de l’enseignement et de la recherche, dans lesquels chaque état est laissé libre de prendre les dispositions qui lui paraissent opportunes.

A ce jour, 151 états sont parties à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et 121 états sont parties à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, toutes deux gérées par l’Organisation mondiale de la propriété industrielle OMPI, (en anglais WIPO).

Mais il existe des Etats développés qui pour des raisons diverses, historiques, ou tout simplement économiques, n’ont pas adhéré à ces traités, de telle sorte que cette protection internationale connaît encore d’importantes lacunes.

En effet, en 1998 et pour la deuxième année consécutive, TAÏWAN vient au second rang des pays d’origine des contrefaçons introduites sur le marché américain.

Ainsi une note des postes français d’Expansion économique en Asie, (accessible par Internet) révèle que, sur une valeur totale d’objets contrefaits présents aux Etats-Unis en 1998 pour 75,89 milliards de dollars,

28,95 milliards sont attribués à la Chine,

8,617 à Taiwan

6,68 à Hong Kong.

Selon les mêmes statistiques, 56 % des contrefaçons d’origine taïwanaise, soit 4,86 milliards de dollars, sont des ordinateurs, des périphériques et des composants électroniques.

Les équipements électriques représenteraient 20 % du total, soit 1,74 milliards de dollars, les téléphones cellulaires et accessoires divers17 %, soit 14,435 milliards de dollars, de telle sorte que ces pays, et spécialement TAÏWAN, doivent à l’évidence accentuer leurs efforts pour protéger la propriété intellectuelle sur leur territoire.

La communauté internationale a heureusement mis au point un nouveau remède.

Celui-ci est l’accessoire du Traité institutant L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (OMC ou en anglais WTO) et s’intitule Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au commerce (A.D.P.I.C., en anglais T.R.I.P.S.). Il a été conclu à Marrakech en même temps que l’OMC le 15 avril 1994 et est administré par celle-ci grâce au Conseil des ADPIC et par l’OMPI.

L’intérêt primordial de cet accord est que, constituant une annexe de l’OMC, il s’impose aux états qui souhaitent adhérer à ce traité ; en d’autres termes il n’est pas possible de profiter des avantages de l’OMC sans subir les inconvénients des ADPIC et inversement.

Ainsi, et spécialement, les membres de l’O.M.C. doivent se conformer expressément aux dispositions de fond de la Convention de Berne même s’ils ne sont pas parties à cette convention. Bien que dans cette hypothèse, ils ne soient pas liés par les dispositions de cette convention relative au droit moral.

Les pays en développement et les pays dits « en transition » peuvent jusqu’à l’année prochaine, différer la prise d’effet de la plupart des obligations découlant de l’accord sur les A.D.P.I.C. à la condition évidemment de ne pas être parties à la Convention de Berne.

Parmi les grands principes définitivement consacrés par les ADPIC on relève : le principe du traitement national (les avantages accordés par un membre de l’O.M.C. aux ressortissants de tout autre pays doivent aussi être accordés aux ressortissants de tous les membres de l’O.M.C), celui du droit de priorité et la clause de traitement de la nation la plus favorisée.

L’accord sur les A.D.P.I.C., équivaut en fait à une extension automatique de la Convention de Berne aux membres de l’O.M.C. s’agissant des droits d’auteur, à une extension de la Convention d’Union de Paris en ce qui concerne la propriété industrielle, et il conduit à une modernisation des deux, lorsqu’il il traite de la protection des indications géographiques et qu’il tient compte des effets anticoncurrentiels éventuels des licences contractuelles.

Enfin les accords mettent en œuvre un principe de pragmatisme et d’efficacité, puisqu’il est exigé des états qu’ils fassent effectivement respecter les droits de propriété intellectuelle par des procédures loyales et équitables ; il leur est demandé de veiller à ne pas rendre celles-ci inutilement complexes et coûteuses et de les faire se dérouler dans un délai raisonnable, que ce soit dans le domaine des enregistrement administratifs (marques etc.) que dans le domaine judiciaire.

L’institution du Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (conseil des A.D.P.I.C.) dont la collaboration avec l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle est institutionnalisée, met en place un mécanisme d’évolution dynamique qui tient compte de l’état de développement des pays contractants et la surveillance par voie de coopération de l’évolution des législations vers les principes retenus par le Traité.

La coopération internationale instituée par l’article 69 de l’accord, qu prévoit l’intervention de l’OMPI, et l’obligation que soient établis des points de contacts entre les administrations chargées par les états d’éliminer du commerce les marchandises portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle sont des éléments de nature à apaiser les inquiétudes nées des statistiques que j’ai évoquées tout à l’heure.

Cette étude trop rapide des dispositifs internationaux de protection de droits de propriété intellectuelle permet de constater que leur clef de voûte est bien l’accord A.D.P.I.C.,la plus détaillée des conventions internationales de ce domaine. Il faut souhaiter que l’attraction que l’OMC semble exercer sur les pays les plus dynamiques les conduise par la voie de l’accord ADPIC à se doter des moyens législatifs et économiques de protéger vraiment la propriété intellectuelle. Si elle s'avère efficace elle le restera, car, ainisi qu'on l'a récemment vu dans l'affaire de la banane, les états membres de l'OMC peuvent se voir sanctionner lorsqu'ils manquent à leurs obligations.

 

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