communication faite lors du colloque international sur
le droit et les relations commerciales
entre la France et Taiwan
La protection internationale de la Propriété Intellectuelle
par Guillaume le Foyer de Costil
avocat
retour au sommaire des articlesLe commerce international repose sur léchange de valeurs ajoutées. Sil est un domaine aujourdhui privilégié de ces échanges, cest celui des biens immatériels. Mais les créations intellectuelles sont vulnérables. Il existe peu de barrières physiques susceptibles dempêcher des individus mal intentionnés de dépouiller autrui dès lors quil ne sagit que de reproduire illicitement une création.
Cest pourquoi les efforts des nations tendent, par la conclusion de traités internationaux à vocation mondiale, à faire disparaître le plus rapidement possible les lieux où il est légalement permis de voler luvre dautrui.
Les subdivisions classiques de la propriété intellectuelle, apparentes dans les traités dorigine, conduisent à rappeler quil existe dans ce domaine deux grandes branches, maintenant entremêlées, gouvernées par des principes généraux communs qui se sont imposés par leur efficacité économique et morale
il sagit de la propriété industrielle et du droit dauteur
Dès 1883, en vue de garantir à leurs ressortissants la possibilité dobtenir à létranger une protection équivalente à celle de leur pays, onze états ont signé la Convention de Paris pour la protection de la Propriété Industrielle et institué lUnion Internationale pour la Protection de la Propriété Industrielle. Cette Convention a été révisée à plusieurs reprises.
La Convention de Paris prévoit que des arrangements particuliers concernant certains aspects spéciaux de la protection de la Propriété industrielle peuvent être conclus séparément entre certains états.
Onze arrangements particuliers ont été conclus sous légide de lunion de Paris et sont aujourdhui en vigueur.
Les principes généraux dégagés par ces traités mettent en évidence des constantes:
Dans le domaine des inventions, la plupart des législations prévoient la délivrance de brevets protégeant pour un temps limité une idée nouvelle impliquant une activité inventive et susceptible dapplication industrielle.
On estime que le nombre de brevets délivrés annuellement dans le monde ces dernières années a été de lordre de 800.000 et que près de 4 millions de brevets sont en vigueur.
Dans le domaine des marques, cest-à-dire les signes ou combinaisons de signes servant à distinguer les produits ou services, la plupart des législations prévoient que celles-ci doivent être enregistrées auprès de ladministration nationale ; lusage non autorisé dun signe semblable à la marque est aussi interdit sil est de nature à provoquer une confusion ; enfin la protection de la marque nest pas limitée dans le temps. On estime à plus dun million le nombre denregistrements ou de renouvellements denregistrements opérés dans le monde chaque année.
Dans le domaine des modèles et dessins industriels, la plupart des législations admettent la protection de dessins et modèles originaux et nouveaux par lenregistrement auprès dune administration nationale pour une durée de dix à quinze ans, outre la protection de ces modèles comme uvres dart. On estime que le nombre denregistrements opérés chaque année est denviron 250.000 et quun million et demi denregistrements de dessins ou modèles sont en vigueur.
Dès 1886, dix états instituèrent lUnion Internationale pour la Protection des Oeuvres Littéraires et Artistiques en signant la Convention de Berne pour la protection des uvres littéraires et artistiques. Les membres de lUnion sont aujourdhui douze fois plus nombreux et le Traité de lO.M.P.I. sur le droit dauteur, adopté à Genève le 20 décembre 1996 par la Conférence diplomatique sur certaines questions de droits dauteur et de droits voisins, a marqué une étape décisive dans le processus dactualisation de la Convention en consacrant la protection des uvres littéraires et artistiques utilisées, créées et diffusées en ligne.
La reconnaissance du droit dauteur entraîne quune certaine utilisation de luvre nest licite que si elle est autorisée par le titulaire du droit. La plupart des législations nationales reconnaissent les droits patrimoniaux constitués par le droit à rémunération, celui de reproduire, de faire des enregistrements sonores ou radiodiffuser luvre. Certaines législations admettent lexistence de droits moraux en vertu desquels lauteur peut revendiquer sa qualité et exiger que son nom soit mentionné sur les exemplaires de luvre, et sopposer à sa mutilation ou à sa déformation. La protection du droit dauteur est limitée dans le temps. La plupart des pays ont adopté comme règle générale un délai qui commence à la création de luvre et expire 50 ans ou 70 ans après la mort de lauteur.
Les principes mis en place par la Convention de Berne pour la protection des uvres sont les suivants :
Les uvres ayant pour pays dorigine lun des états contractants, cest-à-dire dont lauteur est ressortissant dun tel Etat, ou qui ont été publiées pour la première fois dans un tel état, doivent pouvoir bénéficier dans chacun des autres états contractants de la même protection que celle qui est accordée par lui aux uvres de ses propres nationaux ; cest le principe du traitement national.
La protection doit nêtre subordonnée à laccomplissement daucune formalité cest le principe de la protection automatique.
Cette protection doit être indépendante de lexistence dune protection de luvre dans son pays dorigine, sous réserve que sa protection nait pas cessé dans le pays dorigine à la suite de lécoulement du délai légal localement.
Deux traités fondamentaux ont par ailleurs été adoptés à Genève le 20 décembre 1996 par la Conférence diplomatique sur certaines questions de droits dauteurs et de droits voisins et marquent une étape décisive dans le processus dactualisation de la Convention de Berne.
Le plus important des deux traités est celui relatif aux droits dauteur, qui prévoit de nouvelles catégories duvres protégeables : les logiciels et les bases de données.
Le Traité de lOMPI attribue trois nouvelles prérogatives à lauteur : les droits dautoriser la distribution, la location et la communication au public, tous destinés à favoriser la circulation des uvres, y compris de façon numérique, et surtout, prévoit dans les «déclarations communes» quil sapplique pleinement dans lenvironnement numérique ; il rappelle en effet «que le stockage dune uvre protégée sous forme numérique sur un support électronique constitue une reproduction».
Il reste que laction de renforcement de la protection des auteurs engagée par les traités internationaux se trouve limitée dans la mesure où le monopole de lauteur est restreint dans des cas spéciaux où lon considère quil nest pas porté atteinte à lexploitation normale de luvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de lauteur.
Il sagit notamment du droit de reproduction justifié par les impératifs de linformation, de lenseignement et de la recherche, dans lesquels chaque état est laissé libre de prendre les dispositions qui lui paraissent opportunes.
A ce jour, 151 états sont parties à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et 121 états sont parties à la Convention de Berne pour la protection des uvres littéraires et artistiques, toutes deux gérées par lOrganisation mondiale de la propriété industrielle OMPI, (en anglais WIPO).
Mais il existe des Etats développés qui pour des raisons diverses, historiques, ou tout simplement économiques, nont pas adhéré à ces traités, de telle sorte que cette protection internationale connaît encore dimportantes lacunes.
En effet, en 1998 et pour la deuxième année consécutive, TAÏWAN vient au second rang des pays dorigine des contrefaçons introduites sur le marché américain.
Ainsi une note des postes français dExpansion économique en Asie, (accessible par Internet) révèle que, sur une valeur totale dobjets contrefaits présents aux Etats-Unis en 1998 pour 75,89 milliards de dollars,
28,95 milliards sont attribués à la Chine,
8,617 à Taiwan
6,68 à Hong Kong.
Selon les mêmes statistiques, 56 % des contrefaçons dorigine taïwanaise, soit 4,86 milliards de dollars, sont des ordinateurs, des périphériques et des composants électroniques.
Les équipements électriques représenteraient 20 % du total, soit 1,74 milliards de dollars, les téléphones cellulaires et accessoires divers17 %, soit 14,435 milliards de dollars, de telle sorte que ces pays, et spécialement TAÏWAN, doivent à lévidence accentuer leurs efforts pour protéger la propriété intellectuelle sur leur territoire.
La communauté internationale a heureusement mis au point un nouveau remède.
Celui-ci est laccessoire du Traité institutant LORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (OMC ou en anglais WTO) et sintitule Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au commerce (A.D.P.I.C., en anglais T.R.I.P.S.). Il a été conclu à Marrakech en même temps que lOMC le 15 avril 1994 et est administré par celle-ci grâce au Conseil des ADPIC et par lOMPI.
Lintérêt primordial de cet accord est que, constituant une annexe de lOMC, il simpose aux états qui souhaitent adhérer à ce traité ; en dautres termes il nest pas possible de profiter des avantages de lOMC sans subir les inconvénients des ADPIC et inversement.
Ainsi, et spécialement, les membres de lO.M.C. doivent se conformer expressément aux dispositions de fond de la Convention de Berne même sils ne sont pas parties à cette convention. Bien que dans cette hypothèse, ils ne soient pas liés par les dispositions de cette convention relative au droit moral.
Les pays en développement et les pays dits « en transition » peuvent jusquà lannée prochaine, différer la prise deffet de la plupart des obligations découlant de laccord sur les A.D.P.I.C. à la condition évidemment de ne pas être parties à la Convention de Berne.
Parmi les grands principes définitivement consacrés par les ADPIC on relève : le principe du traitement national (les avantages accordés par un membre de lO.M.C. aux ressortissants de tout autre pays doivent aussi être accordés aux ressortissants de tous les membres de lO.M.C), celui du droit de priorité et la clause de traitement de la nation la plus favorisée.
Laccord sur les A.D.P.I.C., équivaut en fait à une extension automatique de la Convention de Berne aux membres de lO.M.C. sagissant des droits dauteur, à une extension de la Convention dUnion de Paris en ce qui concerne la propriété industrielle, et il conduit à une modernisation des deux, lorsquil il traite de la protection des indications géographiques et quil tient compte des effets anticoncurrentiels éventuels des licences contractuelles.
Enfin les accords mettent en uvre un principe de pragmatisme et defficacité, puisquil est exigé des états quils fassent effectivement respecter les droits de propriété intellectuelle par des procédures loyales et équitables ; il leur est demandé de veiller à ne pas rendre celles-ci inutilement complexes et coûteuses et de les faire se dérouler dans un délai raisonnable, que ce soit dans le domaine des enregistrement administratifs (marques etc.) que dans le domaine judiciaire.
Linstitution du Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (conseil des A.D.P.I.C.) dont la collaboration avec lOrganisation mondiale de la propriété intellectuelle est institutionnalisée, met en place un mécanisme dévolution dynamique qui tient compte de létat de développement des pays contractants et la surveillance par voie de coopération de lévolution des législations vers les principes retenus par le Traité.
La coopération internationale instituée par larticle 69 de laccord, qu prévoit lintervention de lOMPI, et lobligation que soient établis des points de contacts entre les administrations chargées par les états déliminer du commerce les marchandises portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle sont des éléments de nature à apaiser les inquiétudes nées des statistiques que jai évoquées tout à lheure.
Cette étude trop rapide des dispositifs internationaux de protection de droits de propriété intellectuelle permet de constater que leur clef de voûte est bien laccord A.D.P.I.C.,la plus détaillée des conventions internationales de ce domaine. Il faut souhaiter que lattraction que lOMC semble exercer sur les pays les plus dynamiques les conduise par la voie de laccord ADPIC à se doter des moyens législatifs et économiques de protéger vraiment la propriété intellectuelle. Si elle s'avère efficace elle le restera, car, ainisi qu'on l'a récemment vu dans l'affaire de la banane, les états membres de l'OMC peuvent se voir sanctionner lorsqu'ils manquent à leurs obligations.