Consultation juridique en ligne, une révolution conceptuelle

interview donnée le 4 décembre 2000 par Guillaume le Foyer de Costil, avocat, au site Legalnews

Propos recueillis par Christophe-Emmanuel Lucy.

La consultation juridique en ligne va-t-elle révolutionner le métier d'avocat ?

Assurément ; la révolution est d'ailleurs en cours ; au moment où les avocats manifestent pour l'augmentation de la rémunération de l'aide juridictionnelle on peut penser que la mise en place de sites Internet de consultation en ligne pourrait contribuer à faciliter l'accès au droit des justiciables pour les questions simples ; et de tels sites ne sont légaux que s'ils sont animés par des avocats ou des professionnels du droit. D'ores et déjà des avocats québécois proposent en ligne la création automatisée par un système expert de testaments interactifs pour moins de 500 F ; et leurs comptes sont équilibrés parce que l'intervention de l'avocat ne se situe pas au stade de l'élaboration de la réponse mais à celui de la création du système.

Plus traditionnellement la relation s'établit de plus en plus en ligne entre l'avocat et son client ; mais il s'agit plus d'une évolution technique que d'une révolution conceptuelle. L'Internet va surtout modifier les modes de mise en relation des clients qui choisiront des moyens nouveaux pour identifier et contacter leurs avocats.

Mais plus généralement il ne faut pas confondre consultation et documentation juridique : fournir des réponses de droit n'est une consultation que si la réponse est adaptée à la situation du client ; tout le monde peut faire de la documentation juridique sur Internet, seuls les professionnels du droit peuvent donner des consultations.

A l'aune des directives de 1995 et 1997 qui garantissent l'anonymat sur l'Internet faudra-t-il que l'avocat s'accommode des pseudonymes? Et dans ce cadre comment procéder à l'identification et à l'authentification des parties ?

Il n'est pas possible d'exercer la profession d'avocat anonymement ; et il importe que l'avocat sache à qui il donne ses conseils. C'est pourquoi dans les recommandations que le Conseil de l'Ordre de PARIS a adoptées le 31 octobre il est dit :" Lorsqu'un avocat est interrogé ou sollicité en ligne par une personne demandant des prestations juridiques il lui appartient de s'assurer de l'identité et des caractéristiques de la personne à laquelle il répond, afin de respecter le secret professionnel, d'éviter le conflit d'intérêts et de fournir des informations adaptées à la situation de l'interrogateur. L'avocat qui répond doit toujours être identifiable ".

La réponse à une question mal formulée dans un délai trop court ne risque-t-elle pas de multiplier les contentieux en matière de responsabilité professionnelle ?

Le Conseil de l'Ordre a aussi donné des directives sur ce sujet : « Si la demande qui lui est transmise lui paraît mal formulée, l'avocat qui fournit des prestations juridiques en ligne doit toujours être en mesure d'entrer personnellement et directement en relation avec l'internaute pour lui poser les questions nécessaires à l'élaboration d'une réponse appropriée ou lui faire les suggestions conduisant à la fourniture d'un service adapté à ses besoins. » En ce qui concerne le délai de réponse aux questions, l'avocat ne sera pas plus pressé par le temps sur Internet qu'il ne l'est déjà dans la vie réelle. Il lui appartient de prendre le temps nécessaire à l'élaboration de ses réponses, sans quoi il engage sa responsabilité.

Comment régler les questions d'ordre déontologique sur les rapports financiers entre une société commerciale et l'avocat qu'elle met au service des visiteurs de son site ?

C'est une question qui est encore à l'étude ; sa solution se heurte aux dispositions de l'article 16 du Règlement Intérieur Harmonisé qui ne permet pas la création de réseaux entre l'avocat et des professionnels non soumis à une déontologie ; la question est de savoir si la relation entre l'avocat et l'entreprise qui exploite le site constitue ou non un réseau au sens de l'article 16.