La déontologie de l'avocat dans les consultations juridiques en ligne

Rapport présenté le 20 octobre 2000 au Comité d'Éthique et de Déontologie du Barreau de PARIS par Guillaume le FOYER de COSTIL Avocat à la Cour Ancien Membre du Conseil de l'Ordre

 

vous pouvez consulter ici les recommandations du barreau de paris adoptées les 31 octobre 2000 et 6 novembre 2001 à la suite de la présentation de ce rapport

Le Comité d'Éthique et le Conseil de l'Ordre ont déjà conduit des réflexions sur les règles applicables aux avocats français qui utilisent l'Internet dans leur pratique professionnelle.

C'est ainsi que se trouvent maintenant réglementées la publicité de l'avocat sur l'Internet (art. 10.11 du Règlement Intérieur Harmonisé), ainsi que la communication de l'avocat avec son client par la voie électronique.

Le Comité d'Éthique et le Conseil sont cette fois appelés à se déterminer, en présence de très nombreuses demandes et interrogations de nos confrères ou de prestataires de services, sur les règles qu'ils entendent appliquer à l'activité juridique qui se développe sur Internet.

1. PROBLEMATIQUE ET DEFINITIONS

1.1 PROBLEMATIQUE

La tâche de l'autorité chargée de la régulation de l'activité professionnelle de l'avocat est ici particulièrement ardue.

Le développement de la " net économie " place l'avocat dans une situation quasi cornélienne : il a le sentiment, en continuant à exercer sa profession de façon traditionnelle, de manquer les trains de la modernité et de la prospérité.

Le Conseil de l'Ordre lui a déjà ouvert des possibilités en lui permettant, sous certaines conditions, d'être rémunéré en actions de société. Il importe, de la même façon, que les règles qui seront posées, même si elles sont susceptibles de conduire l'avocat à exercer sa profession de façon radicalement nouvelle et différente, ne l'excluent pas de l'évolution sociale.

Poser des règles trop restrictives aurait pour effet à la fois de mettre en place des restrictions de concurrence au regard de ce qui est aujourd'hui pratiqué par nos confrères étrangers, et de réserver au secteur privé, percevant des rémunérations indirectes fondées sur la publicité (et comme telle, échappant à la réglementation du Titre II) la possibilité de répondre de façon moderne à la très forte demande de droit ; et celle-ci peut aujourd'hui être satisfaite plus légèrement et plus efficacement par ce moyen que par les voies traditionnelles.

Permettre à l'avocat d'avoir une activité juridique en ligne, c'est lui donner l'assurance de continuer à exercer son activité de conseil dans un monde en mutation ; c'est aussi mettre en relation l'avocat et le grand public dans un autre cadre que l'environnement quasi caritatif de l'accès au droit.

Enfin, l'avocat doit pouvoir participer pleinement, éventuellement comme investisseur, à la création des entreprises nouvelles de l'Internet et des systèmes- experts capables dans un proche avenir, de répondre de manière automatisée aux questions juridiques simples, tout cela, évidemment, dans le respect des Principes Essentiels.

L'ensemble de ces projets sont régis par la directive 2000/31/CE du Parlement Européen et du Conseil du 8 juin 2000 " relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur " dite " directive sur le commerce électronique " qui doit faire l'objet d'une transposition dans les lois des états membres avant le 17 janvier 2002.

On observera que cette directive n'exclut, s'agissant des prestations juridiques, que " les activités de notaire ou les activités des professions équivalentes dans la mesure où elles comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique et la représentation d'un client et la défense de ses intérêts devant les Tribunaux ", ce qui signifie qu'elle s'applique aux prestations juridiques en ligne dans le domaine de la consultation et de l'élaboration des actes juridiques.

On observera aussi, plus généralement, que la directive établit le principe selon lequel la prestation de services en ligne est autorisée et même qu'elle ne peut être empêchée. Elle indique fort heureusement que parmi les services, les activités juridiques doivent continuer de respecter les règles professionnelles visant notamment l'indépendance, la dignité et l'honneur de la profession, le secret professionnel, la loyauté envers les clients et autres membres de la profession.

L'autorité ordinale n'a donc pas le choix : elle ne peut interdire la consultation juridique en ligne ; elle ne peut que veiller aux respects des principes par ses acteurs.

1.2 DEFINITION DE LA " CONSULTATION JURIDIQUE EN LIGNE "

Le mot " consultation juridique en ligne" tel qu'il est couramment entendu, recouvre des activités très diverses ; il importe que soit précisé exactement le champ d'application des règles qui vont régir ce concept.

On envisagera six catégories distinctes qui n'impliquent pas nécessairement l'intervention de l'avocat, mais qui comprennent une fourniture de droit à l'usage du marché.

On distinguera ainsi :

la documentation, la création automatisée de documents juridiques, la consultation juridique à l'usage du public, la consultation juridique à l'usage des professionnels, les relations avocat-client comportant transaction, les consultations mécanisées produites par des systèmes-experts.

1.2.1 LA DOCUMENTATION

Il existe de très nombreux sites (voir des exemples en annexe) mis en place soit par des éditeurs juridiques, soit par des cabinets d'avocats dans le cadre d'une activité à caractère publicitaire, soit par des organismes privés indépendants, soit enfin par des organismes publics, qui permettent aux usagers du droit d'avoir gratuitement accès à une information juridique actualisée.

Il existe également des sites payants qui permettent d'avoir accès à une information juridique plus poussée ; nous en utilisons tous les jours et certains, depuis de très nombreuses années par le minitel ou des terminaux dédiés.

Cette activité, qui n'est autre que de la documentation, n'a pas à être réglementée comme consultation sur le plan déontologique puisqu'elle est ouverte à tous ; on se bornera seulement à inviter les avocats qui mettraient en place de tels systèmes à veiller à leur mise à jour, puisqu'ils sont susceptibles d'engager leur responsabilité civile.

On pourrait, à cette occasion, s'interroger sur le point de savoir si une telle activité est couverte par notre police R.C.P., s'agissant d'une activité d'éditeur ; tel n'est pas l'objet du présent rapport.

Cette activité de documentation, en ce qu'elle se borne à fournir des textes juridiques ou à expliquer leur sens sans qu'il soit tenu compte de la situation personnelle du demandeur n'appelle pas de remarque particulière ; il s'agit de la transposition dans le domaine électronique d'une activité d'édition.

1.2.2 LA CREATION AUTOMATISEE DE DOCUMENTS JURIDIQUES

Certains sites (voir notamment en annexe le site québécois " le Rédacteur Juridique ") proposent au public, moyennant une somme modeste (environ 100 francs) de réaliser en ligne un document susceptible de produire un effet juridique dans certaines conditions.

On peut trouver sur ce site, et sur certains sites canadiens la possibilité de réaliser des actes juridiques de droit québécois ou canadien(contrats dits de " vie commune ", " mandat d'inaptitude ", testaments, mise en demeure, contrats de vente d'automobile, contrats de prêt, etc…).

Le site en question a été créé par un cabinet d'avocat qui le fait savoir et avertit plusieurs fois le lecteur qu'il est nécessaire, dans des " situations compliquées " d'avoir recours à un professionnel du droit.

On peut déjà s'interroger sur la légalité au regard du droit français d'une telle initiative si elle était entreprise par une société privée français sans lien avec un cabinet d'avocat, et sur son opportunité (voir infra) si un avocat français en prenait la responsabilité.

Il reste que pour le public français et pour les actes les plus simples, elle répondrait à la demande et aux possibilités financières d'usagers du droit qui ne consultent personne lorsqu'ils rédigent un testament, un PACS, ou l'un des actes juridiques simples de la vie courante.

1.2.3 LA CONSULTATION A L'USAGE DU PUBLIC

D'autres sites proposent, suivant des modalités étudiées ci-après, manifestement au grand public, et pour rencontrer des préoccupations qui sont habituellement celles des particuliers, qu'il soit répondu par un professionnel du droit aux questions posées en ligne.

La plupart de ces sites se prévalent maintenant de l'intervention d'avocats, ce qui est certainement le résultat (pour les sites français) de l'action de nos professions pour obtenir l'application des dispositions du Titre II de la loi du 31 décembre 1971.

Généralement, à une question unique correspond une réponse unique, l'avocat et le client pouvant dans certains cas se mettre en relation pour poursuivre leur dialogue, les coordonnées de l'avocat étant fournies.

On se trouvera dans ce cas en présence d'une véritable consultation juridique.

1.2.4 LA CONSULTATION A L'USAGE DES PROFESSIONNELS

Les sites qui proposent de telles consultations sont beaucoup plus rares, parce que l'accès au droit semble plus facile aux professionnels, à la fois parce qu'ils disposent de plus de moyens, et aussi parce qu'ils récupèrent la T.V.A. sur les honoraires d'avocats.

On peut à ce sujet s'interroger sur la validité, au regard de nos règles, de consultations juridiques interprofessionnelles données par des groupes d'experts comprenant des avocats.

1.2.5 LA TRANSACTION DANS LES RELATIONS ENTRE L'AVOCAT ET LE CLIENT Certains sites, généralement américains, permettent qu'une relation entre l'avocat et le client s'établisse, comprenant notamment un paiement en ligne, ou qu'une demande soit présentée à l'avocat de réaliser une opération juridique.

Il peut s'agir du dépôt d'une marque, du dépôt d'un nom de domaine sur Internet ou d'un mandat d'agir.

On sort du domaine proprement dit de la consultation juridique pour aller vers celui de l'avocat mandataire.

1.2.6 LES CONSULTATIONS MECANISEES PRODUITES PAR DES SYSTEMES- EXPERTS

Un système-expert est un logiciel capable de résoudre de lui-même les problèmes complexes dont le saisissent les usagers par un dialogue direct avec la machine.

Certains ont été mis en place, notamment en matière médicale, généralement à titre expérimental, et seulement pour aider les professionnels.

On peut s'attendre, dans un avenir très proche, compte tenu des progrès de la recherche dans le domaine de l'intelligence artificielle, à ce que soit offerte au public la possibilité de résoudre les problèmes juridiques qu'il se pose en s'adressant exclusivement à une machine conçue par l'homme, mais sans intervention humaine.

Les sociétés de la grande distribution utilisent actuellement des logiciels dits de " data mining " dont la fonction est de comprendre, sans intervention humaine, le sens des courriers électroniques qui leur sont soumis, afin que ceux-ci soient dirigés automatiquement vers les services chargés de les traiter, beaucoup d'entre eux recevant même une réponse automatique.

Il importe que les avocats intègrent ces projets dans leur réflexion et participent à leur inéluctable mise en place autrement qu'en conseillant leurs concepteurs.

2 LES REGLES A ETABLIR

2.1 L'IDENTIFICATION ET L'AUTHENTIFICATION DES PARTIES

2.1.1 L'IDENTIFICATION DU CLIENT

C'est l'une des questions les plus difficiles. L'avocat doit à la fois respecter le droit fondamental de l'internaute à conserver l'anonymat qui lui est garanti par les directives du 24 octobre 1995 et 15 décembre 1997 relatives à la protection des données à caractère personnel, et l'obligation qui est la sienne, pour répondre sérieusement à la question qui lui est posée, d'identifier la personne qui s'adresse à lui pour lui fournir une réponse adaptée à sa situation économique et sociale.

L'exercice est rendu très difficile par l'usage qui s'est établi sur Internet d'utiliser des pseudonymes, et par la liberté qui y est habituellement donnée de se faire passer pour quelqu'un d'autre, comme au carnaval.

De tels comportements, qui ne seraient pas admis dans la société dite " réelle " sont considérés comme normaux dans la société virtuelle.

Cette protection contre l'identification est d'autant plus revendiquée que les opérateurs disposent de moteurs de recherche et d'identification des consommateurs extrêmement puissants, et que la valeur des entreprises de la Net économie ne se mesure plus à leurs actifs physiques mais aux données qu'elle possèdent ou sont susceptibles de recueillir et fournir sur les consommateurs.

Il importe donc que soit définie pour l'avocat la possibilité dans certains cas de renoncer à identifier la personne qui l'interroge, dès lors que la réponse qu'il lui fournit ressortit du domaine de la documentation et non de celui de la consultation.

Et on s'abstiendra de considérer que le domaine de la consultation est celui d'une activité rémunérée puisqu'un avocat peut, sur Internet, être rémunéré pour une activité de documentation ou fournir, dans certains cas très simples, des consultations à un inconnu comme nous le faisons depuis des siècles dans le cadre caritatif des consultations gratuites.

L'avocat réel qui donnait des consultations en mairie devait autrefois rester anonyme. Cette règle doit être maintenue pour l'avocat virtuel.

En revanche, il appartient au Conseil de l'Ordre de poser des règles fermes, s'agissant de la véritable consultation juridique ; dès lors que celle ci s'établit exclusivement en ligne, il appartient à l'avocat de mettre tout en œuvre pour identifier son client avec un maximum de certitude.

On imagine en effet facilement le concurrent d'un industriel interrogeant en ligne l'avocat habituel de celui-ci et lui posant une question dont la réponse le renseignera sur la stratégie qu'il va suivre.

On imaginera tout aussi facilement l'avocat poursuivi en responsabilité civile, incapable de rapporter la preuve du mensonge par omission de son client auquel il aura répondu trop vite sans s'assurer de la réalité des informations fournies par ce dernier.

Le conseil donné est différent selon qu'on s'adresse à une personne âgée ou jeune, à un riche ou à un pauvre, à une grande entreprise ou à une P.M.E., à une femme divorcée chargée de famille ou à un célibataire.

En conclusion, il appartient à l'avocat de s'assurer par tout moyen de l'identité des caractéristiques du client auquel il répond, de manière à éviter la violation du secret professionnel et la fourniture d'informations inadaptées à la situation de son client.

2.1.2 L'IDENTIFICATION DE L'AVOCAT

L'avocat aussi doit être identifié et doit parfois être authentifié.

De nombreux sites affirment travailler en relation ou sous la responsabilité d'avocats, les autorités professionnelles ou publiques pourraient, légitimement, interroger leurs représentants sur la réalité de cette collaboration et ses modalités.

La nationalité de certains sites n'est pas clairement établie, certains sites francophones ne précisent pas qu'ils sont canadiens ; dans toutes ces occurrences, le consommateur de droit est susceptible d'être induit en erreur.

Certains ont recommandé que les Ordres " labellisent " les sites comportant réellement l'intervention d'avocats ; telle n'est pas la mission des Ordres, l'annuaire national des avocats français sera bientôt en ligne accessible au public. Il convient que la profession le fasse suffisamment savoir.

Il importe en revanche que la règle déontologique soit clairement posée : lorsqu'un site Internet fournissant des consultations juridiques se prévaut de l'intervention d'un avocat, il importe que celui-ci soit clairement identifiable, que ses coordonnées soient données de façon complète, ou que, dans la négative, l'avocat fasse diligence pour faire cesser l'utilisation abusive de son nom.

2.2 LA MISE EN RELATION DES PARTIES

Trois modes de mise en relation sont possibles :

les parties se connaissent déjà, les parties se connaissent par la publicité, la mise en relation par l'intermédiaire d'un tiers professionnel.

Si l'avocat et son client se connaissent déjà, la situation est simple : l'avocat peut parfaitement communiquer avec son client par Internet et lui fournir de cette façon toute consultation juridique dans le cadre de nos règles professionnelles habituelles ; il doit seulement vérifier, et ce sont les règles déjà définies par le Conseil de l'Ordre, qu'il est bien en relation avec son client lorsqu'il lui fournit des consultations juridiques par Internet.

Plus complexe est la situation dans laquelle l'avocat, dans le cadre des activités publicitaires qui lui sont permises, permet au client de se connecter sur son site pour y poser des questions juridiques ou reçoit un E-mail d'un client qu'il n'a jamais vu et qui s'adresse à lui parce qu'il a eu connaissance de son adresse électronique.

Dans de tels cas, l'avocat devra s'assurer de l'identité de son client avant de lui fournir des réponses juridiques définitives, sauf à se placer comme précédemment exposé dans le cadre d'une activité de documentation.

Les problèmes les plus importants sont posés lorsqu'un tiers professionnel, généralement l'éditeur d'un site Internet, propose à ses propres clients ou aux internautes qui visitent son site, qu'il soit répondu aux questions posées par un avocat ; on trouvera de nombreux exemples de tels sites en annexe.

Dans cette hypothèse, on recommandera à l'avocat de faire preuve de la plus grande prudence dans le choix du prestataire et de demander à être associé à la rédaction du message publicitaire susceptible de diriger les clients vers lui.

On lui recommandera aussi d'éviter de participer à un système d'enchères à la baisse sur le prix de la prestation proposée, comme l'ont organisé certains sites pour d'autres prestations de services.

On lui recommandera également une fois mis en relation avec lesdits clients, de respecter les prescriptions antérieurement exposées quant à l'identification du client (voir infra 2.4.1).

2.3 L'ELABORATION DE LA CONSULTATION

Il est difficile de faire des recommandations, ou de poser des règles en ce qui concerne l'élaboration de la consultation de l'avocat qui, la plupart du temps, ne peut se construire qu'à partir de l'exposé fait par le client.

Force est de constater en effet, dans la vie virtuelle ou dans la vie réelle, que le justiciable ou le consommateur de droit ne sait pas réellement formuler la question qu'il pose .

Ainsi, une personne qui reçoit un commandement à fin de saisie immobilière ignore généralement que le droit régissant ce commandement fait partie de la catégorie des " voies d'exécution ".

De la même façon, le client qui s'occupe de son contrat de mariage ignore qu'il se trouve dans le domaine des régimes matrimoniaux.

Dès lors, et la plupart du temps, une question appelle d'abord une question avant que soit donnée une réponse. Bien qu'il soit des cas où la question peut être bien formulée de telle sorte qu'il peut y être répondu facilement.

On résumera donc les règles à respecter de la façon suivante : l'avocat qui fournit des réponses juridiques en ligne doit toujours être en mesure, si la question lui paraît mal formulée, d'entrer en relation avec l'internaute pour lui poser les questions nécessaires à l'élaboration de la réponse.

Certains sites proposent la fourniture d'une réponse et s'engagent à ce que celle-ci soit donnée par le professionnel dans un délai précis (généralement 48 heures).

Cette promesse pose deux problèmes :

· le premier est celui de l'indépendance de l'avocat qui s'est engagé à participer à de tels sites : s'il n'est pas disponible, engage-t-il sa responsabilité ? de quelle façon ? conserve-t-il alors son indépendance ?

· le second est lié à la possibilité pour l'avocat de répondre à la question autrement que par une question, comme exposé ci-dessus : l'avocat tient-il alors ses engagements ? Il peut être tenté de mal répondre pour répondre à l'heure.

On pourrait alors être amené à dire à l'avocat qu'il ne doit pas s'engager à répondre à une question dans un délai précis si la complexité de cette question empêche qu'elle soit fournie dans un délai trop court.

Enfin se pose la question du paiement des honoraires en ligne, le Conseil de l'Ordre a récemment autorisé le paiement des honoraires par carte bancaire.

Sauf exceptions (voir infra. 2.4.1 la question du paiement des honoraires par le fournisseur de services) on admettra que l'avocat soit payé par carte bancaire ; on l'invitera seulement à utiliser les moyens de paiement sécurisés que le marché met à sa disposition.

2.4 LA PARTICIPATION DES AVOCATS A DES CENTRES INDEPENDANTS DE REPONSES JURIDIQUES EN LIGNE

Vis à vis de ces centres, déjà évoqués, l'avocat peut avoir deux positions :

il peut être fournisseur du site,

il peut être associé ou créateur du site.

2.4.1 L'AVOCAT FOURNISSEUR DE L'ENTREPRISE EXPLOITANT UN SITE JURIDIQUE

L'observation du marché permet de constater que de nombreux sites offrent aux avocats la possibilité de devenir fournisseurs occasionnels de tels services.

L'activité de l'avocat dans ce cadre paraît acceptable, sous réserves de la question du paiement des honoraires (voir infra).

En revanche l'avocat qui va devenir le fournisseur permanent d'un tel site ne risque-t-il pas de perdre son indépendance ?

L'avocat ne peut être le salarié, en fait ou en droit, d'un site Internet fournissant des consultations juridiques en ligne.

Dans les deux cas, lorsque l'avocat travaille en relation avec un site professionnel, se pose fréquemment la question des rémunérations, tant de l'avocat que de l'exploitant du site. Dans la plupart des hypothèses, soit le site perçoit directement de l'internaute un paiement en ligne, soit il est rémunéré indirectement par le biais de la publicité qu'il accueille, d'autant plus facilement vue que le site est intéressant.

L'avocat peut aussi être payé directement par le client avec qui il est mis en relation, mais s'être engagé à reverser une partie de la somme reçue au site qui lui a présenté ce client.

Cette dernière hypothèse a déjà été jugée inacceptable par plusieurs commissions de déontologie de notre Ordre : une personne qui présente un client à un avocat ne peut recevoir une rémunération proportionnelle à l'honoraire reçu par cet avocat.

En revanche, les mêmes commissions ont admis que l'avocat participe, suivant des barèmes à définir, aux frais fixes que représentent la création et la maintenance d'un site Internet, comme il lui arrive de payer les droits d'accès à un colloque à l'occasion duquel il rencontre des clients.

Mais il ne faut pas que la rémunération de l'exploitant du site soit liée à la rencontre, il faut qu'elle soit seulement liée à la présence de l'avocat, peu important que la dépense corresponde à une publicité ou plus simplement à des frais techniques.

De la même façon, la Commission Plénière de Déontologie des Activités a jugé impossible, en l'état des textes et sous réserves d'une autre appréciation du Conseil, d'admettre que la rémunération de l'avocat soit perçue par l'exploitant d'un site, même reversée au franc le franc.

Selon elle, une société commerciale ne peut " vendre de l'avocat ". Elle peut seulement le promouvoir.

2.4.2 L'AVOCAT ASSOCIE OU CREATEUR DU SITE INTERNET DE CONSULTATIONS JURIDIQUES

C'est le moyen pour l'avocat d'éviter les inconvénients de la solution retenue ci-dessus. C'est aussi, sous réserves de revoir les règles relatives à la création d'une société commerciale à objet juridique par des avocats, le moyen pour l'avocat de répondre efficacement à la demande de droit.

De nombreux projets sont, semble-t-il, à l'étude. Certains sont déjà opérationnels notamment au Canada ; certains d'entre eux fonctionnent déjà aux Etats-Unis.

Si ces sites fonctionnent suivant les règles énoncées ci-dessus, la vraie question qu'il faut résoudre est celle de la responsabilité civile professionnelle de l'avocat : s'agit-il de son activité professionnelle normale, assurée par le biais de nos compagnies d'assurances ? faut-il une assurance spécifique ? s'agit-il d'une activité indépendante ?

En l'espèce, la consultation de l'assureur de l'Ordre paraît indispensable. Nul doute qu'il sera insisté à cette occasion sur le point de savoir si l'avocat apparaît comme responsable du site ou si son nom se trouve caché, bien qu'il en soit en pratique exploitant.

Il faudra aussi résoudre la question du démarchage, la société commerciale crée par l'avocat n'étant pas d'office soumise à notre déontologie.

CONCLUSION

Il importe que les règles qui seront définies pour encadrer l'activité de l'avocat fournissant des consultations juridiques sur Internet, seul ou avec l'exploitant d'un site, occasionnellement ou habituellement, soient définies de manière à lui permettre une activité concurrentielle et ouverte au monde.

Lui donner les moyens de cette activité, c'est répondre :

à la demande des avocats qui souhaitent aujourd'hui participer à la Net économie non seulement comme conseils des créateurs, mais aussi comme acteurs à part entière.

à la demande du public qui, par le biais des communications en ligne, trouve enfin le moyen de satisfaire sa demande de droit pour un prix adapté à ses possibilités et dans un cadre matériel qui concilie professionnalisme et traitement de masse.

Il importe enfin que les avocats soient présents lorsque seront mises sur le marchés les premières consultations juridiques électroniques automatisées produites par les systèmes-experts que nous préparent des évolutions technologiques dont nous n'imaginons pas encore la portée.